Mardi 30 mars
Banteay Srei
Considéré par beaucoup comme le joyau de l'art angkorien, ce temple hindou dédié à Shiva, taillé dans une pierre rosée, possède des sculptures d'une finesse exceptionnelle. L'un des sites les plus petits d'Angkor, ce qui n'enlève rien à sa splendeur, il est remarquablement conservé, comme nombre de ses sculptures en trois dimensions. Banteay Srei signifie "citadelle des femmes" et l'on affirme que des sculptures si raffinées ne peuvent être l'œuvre d'un homme.
La construction de l'édifice débuta en 967 et, chose rare à Angkor, ne fut pas commandée par un roi mais par un brahmane, peut-être un précepteur de Jayavarman V. Ce quadrilatère comprend des entrées est et ouest et une chaussée à l'est. Vous remarquerez le somptueux décor des bibliothèques et les trois tours centrales, ornées de divinités féminines et masculines et de splendides bas-reliefs en filigrane.
Parmi les sculptures classiques du Banteay Srei, des femmes gracieuses, vêtues de jupes traditionnelles, tiennent à la main des fleurs de lotus et d'extraordinaires scènes du Râmâyana ornent les frontons (corniches sculptées au-dessus du linteau) des bibliothèques. La beauté de chaque détail ne saurait faire oublier la splendeur de l'ensemble, dont chaque centimètre, ou presque, est richement orné. Les gardiens mythiques de ces créations d'une totale perfection sont des copies, les originaux étant conservés au Musée national.
C'est au Banteay Srei que l'EFEO effectua sa première restauration d'envergure en 1930 suivant la méthode d'anastylose. On constate aujourd'hui la réussite de ce projet, qui ouvrit la voie à d'autres grands programmes de restauration, comme celle du Bayon. Ce n'était cependant pas la première fois que le Banteay Srei faisait la une des journaux : en 1923, bien longtemps avant de devenir ministre de la Culture, André Malraux fut arrêté à Phnom Penh et accusé du vol de statues et de sculptures d'une importance capitale sur le site. Il raconte d'ailleurs cette histoire sous forme de roman dans La Voie royale.
À la découverte du Banteay Srei, on estima que l'édifice datait du XIIIe ou du XIVe siècle, en raison des sculptures raffinées qui suggéraient la fin de la période d'Angkor. Par la suite, des inscriptions trouvées sur le site conduisirent à penser que le temple avait été construit en 967. Des spécialistes remettent à nouveau cette date en question, jugeant que le style du temple et ses sculptures ne ressemblent pas aux autres créations du Xe siècle. Selon de nouvelles théories, certains temples angkoriens ont pu, à l'instar des cathédrales d'Europe, être détruits puis reconstruits, ou encore transformés au point d'être méconnaissables. La stèle portant la fameuse inscription ferait alors référence à une structure antérieure et non au joyau que nous découvrons aujourd'hui.
Nous visitons Banteay Srei tôt le matin, pour éviter la chaleur. Le soleil levant donne au grès rose un aspect resplendissant, contrastant avec la couleur verte des lichens qui se développent sur les façades.

L'entrée, orientée plein Est, au petit matin.

Détail du fronton de la porte.








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