Samedi 21 mai
SAMARCANDE (4)
Le Reghistan
Voici, au coeur de Samarcande, restauré dans sa splendeur originelle, le complexe
le plus grandiose d'Asie centrale et l'un des plus beaux de l'islam. Son nom de «place de sable» (sans doute
en raison d'un fleuve qui déposait du sable à cet endroit) n'évoque malheureusement pas la magnificence
de l'architecture. Comme pour la nécropole de Chah-i-Zinda, plusieurs visites sont indispensables à qui veut
s'imprégner de chaque détail et de chaque nuance des mosaïques dans la lumière changeante de
la journée.
Voici le carrefour de la capitale de Tamerlan, où six artères se rejoignaient sous le dôme d'un bazar. Plus
tard, son petit-fils Ouloug Beg attribua à ces lieux des fonctions plus culturelles et politiques, y édifiant de
1417 à 1420 une médersa à l'ouest de la place, y remplaçant en face le bazar à coupoles de
Touman Aka, la plus jeune épouse de Tamerlan, par une khanagha, un hospice pour les derviches, y ajoutant au nord le caravansérail
Mirza, et au sud la gigantesque mosquée de Koukeldach, la mosquée sculptée et les bains décorés
de mosaïques. La place proprement dite servait aux défilés militaires et aux exécutions publiques.
Et c'est au sommet de la médersa d'Ouloug Beg que Babour installa son poste de commandement lorsqu'il chassa les hordes
ouzbèkes au début du XVIe siècle.
Un siècle plus tard à peine, il n'en subsistait que la médersa, le gouverneur ouzbek Yalangtouch Bakhadour
ayant voulu entrer dans l'histoire en démantelant la khanagha et le caravansérail pour y installer deux médersas
de taille comparable et aux décorations harmonisées, donnant ainsi aux lieux leur configuration actuelle. Les troubles
du XVIIe siècle vidèrent le Reghistan. La médersa d'Ouloug Beg vit «des hiboux remplacer les étudiants
dans les cellules, et des toiles d'araignée prendre la place des rideaux de soie aux portes».
Les trois médersas servirent d'entrepôts à céréales jusqu'au renouveau religieux du XIXe siècle.
Les bolcheviks rendirent son animation à la place en y organisant des manifestations politiques, des rassemblements de
masse, des bûchers destinés à brûler les voiles des femmes, des procès publics de contre-révolutionnaires.
Ils rafraîchirent aussi son aspect, stabilisant des minarets, reconstruisant des dômes, restaurant des mosaïques
et évacuant près de deux mètres d'épaisseur de terre et de sable, accumulés durant des siècles.

La médersa d'Ouloug Beg
Alors que son grand-père Tamerlan fut un bâtisseur de mosquées et
de mausolées, Ouloug Beg a préféré investir dans l'enseignement. Sa médersa accueillait
une centaine d'étudiants au moins, et ils étaient encadrés par les meilleurs professeurs de l'époque,
qu'il s'agisse des études islamiques ou des sciences profanes. La tradition veut que le souverain en personne y
ait enseigné l'astronomie, sa grande passion. Celle-ci est d'aileurs évoquée par les étoiles
qui ponctuent le firmament du pichtak (portique) de l'édifice. Une calligraphie coufique affirme que «cette
magnifique façade est deux fois plus haute que le ciel, et lourde au point que l'échine de la terre en est écrasée».
Sa taille énorme est pourtant parfaitement équilibrée par l'élégance de ses formes et
la beauté de ses mosaïques. Un fond jaune brun rappelant la terre rehausse les motifs émaillés
de vert, de turquoise, de jaune et de divers tons de bleu. Des panneaux de mosaïques et de majolique portent des motifs
floraux et des calligraphies coufiques, mais ce sont les dessins géométriques, ou girikh, qui dominent sur
les murs et les minarets flanquant la façade. Ces deux colonnes hautes de 33 mètres défient les lois
de la gravité et sont couronnées de corniches (muqarna) décorées de motifs en nid d'abeilles.

Le haut des minarets de la médersa Ouloug Beg

La décoration étoilée du pichtak


La cour intérieure de la médersa

Encore une statue d'Ouloug Beg, le sultan-astronome



La "salle des professeurs"

et le "trône d'Ouloug Beg"
La médersa Tilia Kari
Yalangtouch souhaita compléter l'harmonie de la place, et demanda à ses
architectes d'y construire une troisième médersa, avec une façade large de 75 mètres cette
fois. Les travaux durèrent de 1646 à 1660. Des tourelles d'angle furent préférées aux
minarets, mais les mosaïques offrent un festival de symboles solaires éclatants et d'entrelacs floraux dans
les mêmes tons que Chir Dor. Alors que les autres médersas ont leurs façades latérales garnies
de niches peu profondes et dépourvues d'ouvertures, Tilia Kari affiche sa fonction et étale en façade
deux rangées de hujra ventilées depuis les balcons par des fenêtres aux panneaux ajourés. L'étage
unique de cellules sur les autres côtés du bâtiment contribue à mettre en valeur le grand portique
ouest et le dôme turquoise, qui marquent la vocation de mosquée du Vendredi dévolue à Tilia
Kari après la destruction de Bibi Khanoum et la disparition de Koukeldach. L'intérieur resplendit de motifs
de kundal en feuilles d'or – d'où le nom de Tilia Kari, «doré» – inscriptions coraniques,
stalactites descendant sur le mihrab en marbre, panneaux muraux imitant des tapis et voûte aux délicats entrelacs
de feuilles et de fleurs en trompe-l'oeil.




Le dôme doré en trompe-l'oeil (il est à peine bombé, la photo n'est pas dupe, mais à l'oeil
nu il semble être un dôme normal))

Le mihrab doré et ses stalactites


Les salles de prière, maintenant expositions où l'on trouve des fragments de mosaïques et de briques vernies
(voir photos suivantes)



Tchorsou
Il s'agit d'un bazar à coupole construit au XVIIle siècle à la demande de l'émir de Boukhara
avec des débris de la mosquée de Bibi Khanoum.

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